mardi 19 juin 2007

Les médicaments et le secteur de la santé

Ce lundi, le journal La Presse a fait savoir à l’ensemble de la population québécoise que certains des médicaments qu’elle consomme deviendront soudainement plus coûteux. Dans cet article, le journaliste Denis Lessard rapporte que ces hausses coûteront moins de 20 millions à l’État québécois, qui offre un service d’assurance médicaments. Il ajoute que d’autres médicaments verront leurs prix « corrigés » en octobre.

Si je me permets d’attirer votre attention sur cet article, c’est que cette hausse de prix est causée par un phénomène de monopole. Elle n’est pas causée uniquement par l’inflation, tout comme elle n’est pas causée par la rudesse du marché dans lequel évolue l’industrie pharmaceutique. Celle-ci a bénéficié d’ « un taux de profit de 40% pendant la décennie 1990, soit quatre fois plus que la moyenne des six autres secteurs commerciaux et industriels les plus rentables à l’échelle de la planète.[1] » On ne peut donc pas affirmer que le prix de ces produits reflète la juste valeur des coûts de production.

On voit donc effectivement que la situation de la société québécoise est causée par une situation monopolistique. La société canadienne, qui a vu le coût de ses médicaments croître de 62,3% en 10 ans, est dans le même bateau. Elle n’est pas sans rappeler ce que nous vivons déjà avec les pétrolières et leurs hausses de coûts aussi imprévisibles qu’inexplicables. Concernant celles-ci, la population a émis le souhait que les hausses de prix soient surveillées par le gouvernement et, de plus en plus, les politiciens se soucient de cet enjeu. En ce cas, pourquoi ne font-ils pas de même dans le cas des médicaments?

Il faut se rappeler que la hausse du prix des médicaments est un danger réel pour la pérennité de notre système de santé ainsi que pour le bon équilibre du budget du Québec. Dans un contexte de vieillissement, la facture des médicaments augmentera de manière impressionnante. Durant la période allant de 1980 à 2006, le taux de croissance des coûts du système de santé a été de 6,5%. Par contre, le taux de croissance de la facture des médicaments a été de 11,8%, soit un peu moins que le double de celui de l’ensemble du secteur de la santé. [2] En projetant que la différence des taux de croissance restera stable (et il n’y a aucune raison pour estimer qu’il en ira autrement), on peut prévoir que si le plus important poste budgétaire des gouvernements provinciaux de notre pays sera la santé, ce seront les médicaments qui en consommeront les parts les plus importantes. Baliser la hausse des prix des médicaments pourrait permettre de limiter la hausse des coûts du système de santé et, par conséquent, permettre à l’État de le financer entièrement en tant que régime public.

Cette constatation permet de pousser la réflexion plus loin. Si on reconnaît que le coût des médicaments augmente grâce à une situation qui favorise indûment l’industrie pharmaceutique, ne nous incombe-t-il pas, en tant que société, de corriger le tir? De quelle manière? Par ailleurs, quels en seraient les bénéfices?

À court terme, on pourrait envisager de baliser les prix des médicaments par le biais de prix de plafond. Plusieurs ont décrié cette méthode, en indiquant que les prix de plafond sont le plus souvent employés non pas comme des limites, mais comme des balises, et que c’est à ces prix que les entreprises fixent leurs produits. À cela, il est possible de répondre que si le prix de plafond est situé non pas en tant que limite, mais en tant que prix optimal assurant un équilibre entre les profits nécessaires au bon roulement de l’industrie (sans plus) et la préservation de la santé des citoyens, il ne devrait pas y avoir de problème. L’intervention gouvernementale aura simplement rétabli l’équilibre des forces entre les citoyens et les compagnies profitant de la donne économique qui les favorise injustement.

À plus long terme, nous pourrions envisager de questionner le bien-fondé des brevets dont bénéficient sur le sol canadien les compagnies pharmaceutiques. Ce sont ceux-ci qui leur permettent d’accumuler de tels profits. L’ampleur de ces bénéfices prouve d’ailleurs que l’argument voulant que les brevets ne servent qu’à rembourser les dettes encourues lors des périodes de développement et d’études sur les médicaments est erroné. S’il était vrai, les profits ne seraient pas aussi mirobolants.

Il faut combattre la hausse importante des prix des médicaments. Ce qui est survenu récemment au Québec n’est qu’une anecdote d’un phénomène répété, comme en font foi les données révélées plus haut. Il faut tout d’abord penser au bien-être et à la sécurité des Canadiens, qui peuvent tous être un jour la proie de la maladie et qui le seront de plus en plus, alors que le vieillissement de la population fera son œuvre. De plus, limiter la hausse des coûts des médicaments pourrait jouer un rôle non négligeable dans la sauvegarde du système de santé public tel qu’on le connaît.



[1] Amir Khadir, en préface de L’envers de la pilule, de Jean-Claude St-Onge

[2] Luc Godbout, Pierre Fortin, Mathieu Arseneau et Suzie St-Cerny, Oser Choisir maintenant

vendredi 1 juin 2007

Le PQ recule!

Impossible de voir cela autrement.

Il faut tout d'abord noter que j'ai su hier que des 300 millions demandés par le PQ, 50 étaient déjà inclus dans le budget. Or, l'impasse a été réglée avec 111 millions, soit le 60 initial du PLQ + le 50 millions déjà prévu dans le budget + 1 dernier million pour la chance.

Autrement dit, le PQ n'a pas gagné grand chose depuis la dernière proposition du gouvernement, qui était de 60 millions. Pourtant, aujourd'hui il recule. Il a beau déclarer : "Nous allons voter contre", en empêchant la plupart des députés de venir, il laissera le budget passer. Ce qui revient à l'appuyer.

Il est étrange qu'en ayant les moyens de négocier le budget ou encore de faire tomber le gouvernement, ce qui aurait permis, à moyen terme, un nouveau budget, plus près des aspirations péquistes (puisque ni l'ADQ ni le PQ n'auraient gaspillé des centaines de millions en baisses d'impôt), le PQ abandonne. Il s'agit d'une question de calcul politique. Il préfère attendre le retour de Mme Marois et l'augmentation de ses finances pour partir en élections. D'un point de vue partisan, c'est une sage idée. Du point de vue des convictions, il s'agit d'une entente qui usurpe les convictions alléguées du PQ.

J'aimerais noter, toutefois, que le parlement minoritaire a survécu. Plusieurs, dont l'ancienne ministre Liza Frulla, martèle sur toutes les tribunes que les parlements minoritaires sont instables et, par conséquent, que les modes de scrutin favorisant de tels parlement sont à proscrire. J'ose ainsi m'opposer à eux. il est vrai que, par définition, un parlement minoritaire est plus instable qu'un parlement majoritaire. Par contre, il permet (et demande) du compromis et plus de souplesse de la part de ses acteurs. Comme il lui fait au moins l'appui de deux partis pour fonctionner, ses actions sont conformes à une plus grande part des désirs des électeurs. Ce qui peut causer la défaite d'un parlement minoritaire,au fond, ce n'est pas le fait qu'il soit minoritaire en tant que tel, mais bien l'intransigeance des acteurs qui le peuplent.

J'aimerais aussi souligner, dans un esprit très partisan, qu'un compromis budgétaire est survenu dans l'histoire récente du Canada. Il s'agit de celui échangé entre le PLC et le NPD, en 2004. À cette période, le NPD est allé chercher 4 milliards, ce qui représente environ 1 milliard à l'échelle du budget québécois. À ce niveau, le NPD a prouvé que les parlements minoritaires pouvaient être efficaces et rejoindre une plus grande part de la population, tandis que le tandem PLQ-PQ a été trop intransigeant et a demandé des changements trop modestes au budget pour qu'ils soient significatifs.

mercredi 30 mai 2007

Progression de l'instabilité politique

Les points de presse se multiplient alors que l'ADQ disparaît dans le flou. On a cru voir, pendant quelques jours, une accalmie se profiler, tandis que mme Jérôme-Forget et M. Gendron négociaient au sujet du budget. Aujourd'hui, par contre, les deux parties ont chiffré publiquement leurs demandes. Le PLQ offre 60 millions, tandis que le PQ demande 300 millions. Par ailleurs, le PQ demande que cela soit fait sans couper dans les services et sans augmenter l'imposition des contribuables, tandis que le PLQ refuse d'effacer ses fameuses baisses d'impôt.

C'est un cadre assez difficile à satisfaire pour que les deux partis puissent provoquer des élections sans avoir à en porter le blâme. D'ailleurs, le fait que les demandes soient devenues publiques sentent l'élection à plein nez. En effet, habituellement, les négociations ont lieu à huis clos, ce qui permet de ne pas perdre la face en reculant devant l'électorat, si cela devient nécessaire.

Malgré tout, il est possible pour les libéraux de répondre aux besoins des péquises sans toucher à leurs fameuses baisses d'impôts. Les libéraux sont déjà capables d'offrir 60 millions aux péquistes. Ensuite, les libéraux mettent 200 millions dans le fonds des générations, alors que le poids relatif de la dette par rapport à l'économie québécoise diminue. Cette somme pourrait aussi être allouée aux demandes du PQ. Nous voici à 260 millions.

Par la suite, une lecture très rapide du budget (disponible à :http://www.budget.finances.gouv.qc.ca/budget/2007-2008a/fr/documents/pdf/PlanBudgetaire.pdf) nous apprend que le gouvernement perdra 76 millions en abolissant la taxe sur le capital de manière instantanée pour les entreprises manufacturières, agricoles ou du secteur des pêcheries. Il suffirait de retirer cette mesure (ou de la mettre sur la glace pour l'année 2007-2008 et l'appliquer plus tard) pour assurer les revenus permettant le financement des programmes demandés par le PQ.

Une autre option dépend du sens que l'on donne au mot "services". Il est évident que la santée t l'éducation sont des services. Mais le maintien et l'édification de nouvelles infrastructures en sont-ils? Si le PQ accepte de ne pas les considérer comme des services, alors la somme 8,1 milliards (6,4 en infrastructures, 1,7 dans le réseau routier) mise par le PLQ dans ces secteurs pourraient être réduites d'un petit 40 millions, afin de contenter le PQ. Il faut dire que le gouvernement a choisi de faire un plan en cinq ans valant 30 milliards pour le maintien et la création d'infrastructures. De son propre aveu, le budget dit : "Pour la première année de ce plan, soit 2007-2008, les investissements totaux du
gouvernement en infrastructures s’élèveront à un niveau record de 6,4 milliards
de dollars, soit 30,5 % de plus qu’en 2006-2007" Une augmentation de 30,5%, c'est pas un peu énorme? D'autant plus que le plan sur 5 ans, valant 30 milliards, demande donc un investissement annuel de 6 milliards de dollars en moyenne. Cela signifie donc que le gouvernement fait surenchère de 400 millions de dollars. Cela n'est pas mal en soi. Par contre, dans le contexte, on comprend qu'il pourrait se permettre d'aller chercher cette somme sans même mettre en péril son plan d'investissement dans les infrastructures.

Quant au 1,7 milliards dévolu au réseau routier, on apprend dans le budget qu'il comprend 1,2 milliards servant à "la conservation et l’amélioration du
réseau routier et de ses structures." Rien ne signale à quoi sert le 500 millions restant. Peut-être pourrait-on aussi y piger un petit 40 millions, non?

Donc, je crois avoir mis à jour certaines des voies permettant un règlement entre le PQ et le PLQ. Si les parties ne s'entendent pas, c'est donc préfèrent aller en élections que s'entendre. Après tout, le PQ est quasiment assuré de battre au moins le parti libéral, ce qui lui permettrait d'augmenter son budget en devant l'opposition officielle ou de former le gouvernement. Le Parti libéral serait désavantagé par une élection, mais Jean Charest se délivrerait de sa position malhabile et cela permettrait au PLQ de se choisir un nouveau chef.

dimanche 27 mai 2007

Instabilité politique au Québec

J'aimerais commencer ce blogue en commentant l'actuelle instabilité politique au Québec. Au contraire de plusieurs commentateurs médiatiques, je me refuse à parler de crise politique. Je m'y refuse, car une crise politique dénote un irrespect des institutions, une révolution, une tentative d'usurper ou de remplacer le pouvoir.

Or, ce n'est pas ce qui se produit actuellement. En ce moment, au contraire, les règles institutionnelles sont plus que jamais respectées. Il y aurait crise politique si le gouvernement Charest, malgré sa position minoritaire, ne craignait pas son propre renversement. Cela serait une véritable crise, car cela irait à l'encontre des règles de nos institutions.

Cela étant dit, il est difficile de comprendre ce qui se passe dans la tête des acteurs. Il est tout à fait normal que l'ADQ de Mario Dumont s'oppose à ce budget. Après tout, les points forts de l'ADQ sont la famille et le remboursement de la dette. Pourtant, il n'y a aucune mesure spécifique à la famille dans le budget et on augmente la dette québécoise, en chiffres absolus. Il faut tout de même mentionner qu'elle est réduite par rapport au PIB québécois. Malgré tout, ces deux points vont à l'encontre de la plate-forme sur laquelle se sont fait élire les députés de l'ADQ et il n'est que cohérent pour eux de s'opposer au budget. Je voudrais d'ailleurs rétorquer aux médias qui disent qu'il est contradictoire qu'un parti de droite comme l'ADQ s'oppose aux baisses d'impôts que l'ADQ a pris comme engagement, dans sa plate-forme électorale que "Suivant un véritable équilibre budgétaire, le tiers de la marge de manoeuvre pourra être appliqué à diminuer les impôts." Or, il n'y a pas d'équilibre budgétaire, donc l'ADQ ne souhaite pas diminuer les impôts.

On peut par contre ajouter que le gouvernement va se poser des questions sur les normes comptables, l'ouverture de la santé au secteur privé et va abolir la taxe sur le capital. Ce sont tous des éléments envers lesquels l'ADQ se disait favorable. Cela est vrai et on doit le reconnaître. Toutefois, ce ne sont pas les chevaux de bataille de l'ADQ. Ce ne sont pas ses priorités. Le leitmotiv de l'ADQ, c'est la dette et la famille. Dans ses premiers jours, l'ADQ avait sur son site web un compteur indiquant l'agrandissement de la dette en temps réel, tant celle-ci était prioritaire pour le parti. Donc, oui, il y a dans ce budget des mesures qui s'allient avec le programme adéquiste. Toutefois, les priorités de celui-ci sont éclipsés, voire même contrées par ce budget.

Ce sont les deux autres joueurs, le PQ et le PLQ, qui sont difficiles à cerner. Le PQ a raison, d'un point de vue idéologique, de s'opposer au budget. En effet, les demandes du PQ non plus ne sont pas couvertes par le budget. Il n'y a pas plus d'argent en éducation (malgré ce que dit M. Charest). À l'exception de l'abolition de la taxe sur le capital, il n'y a pas de mesure dans ce budget qui plaise au PQ. Le PQ s'oppose donc au budget. Le gouvernement n'aurait probablement qu'à amender son budget de moins de 1 milliard (donc moins de 2% du budget) pour obtenir l'appui de 28% des députés de l'Assemblée. Effectivement, il pourrait ainsi respecter les demandes du PQ concernant l'éducation. Cela aurait l'avantage de résoudre le problème d'instabilité politique actuelle. Le gouvernement pourrait prendre l'argent déposé dans le fonds des générations et le mettre en éducation à la place. Comme la dette diminue par rapport au PIB, cela n'est pas un grave problème.

Si on en arrive à dire qu'il serait relativement aisé de régler le probème, il faut donc conclure que les acteurs impliqués ne veulent pas le régler. La question de l'ADQ étant déjà réglée, il faut se demander en quoi le PQ et le PLQ peuvent profiter d'une chute du gouvernement. Le PQ jubilerait donc d'avoir Mme Marois à ses côtés pour une élection estivale. Malgré tout, je trouve cette action prématurée. Il vaudrait mieux pour le PQ panser ses blessures et penser son programme avant de se lancer dans une élection. Avant tout, les finances péquistes vont mal, d'après Mme Richard, présidente dudit parti. Quant aux libéraux, il semble que Jean Charest soit contesté au sein du parti. C'est peut-être là le problème. Peut-être que Jean Charest sait pertinemment que s'il laisse les péquistes se préparer à long terme, il n'aura aucune chance contre Madame Marois. Il a d'ailleurs probablement raison, si on en croit les sondages. Il préfère donc foncer tout de suite et espérer gagner un gouvernement majoritaire ou tomber dans l'opposition (probablement pour aller ensuite relever de nouveaux défis) plutôt que d'attendre d'être défait en chambre par l'ADQ et le PQ au moment auquel cela leur conviendra le plus.

C'est probablement ce qui causera une élection le plus tôt possible au Québec.


Éléments du budget
  1. Discussions avec le vérificateur général sur l'Adoption de nouvelles normes comptables (ADQ)
  2. Réinvestissement en éducation (Statu quo depuis le budget Audet)
  3. Réinvestissement en santé
  4. Baisses d'impots
  5. Privatisation des actifs gouvernementaux
  6. Abolition de la taxe sur le capital (ADQ-PQ)
  7. Injection de nouveaux fonds dans le fonds des générations
  8. Ouverture au privé en santé (ADQ)